La balance et l’indice de masse corporelle (IMC) vous donnent des chiffres supposés vous situer par rapport à la population, mais ils sont souvent mal interprétés. Beaucoup de personnes portent une attention particulière à ces valeurs pour se rassurer ou se sentir dans la « norme ». Pourtant, l’effet escompté n’est pas toujours au rendez-vous. Vous montez sur la balance et c’est le drame : « Tous ces efforts pour rien ! ». Votre estime de vous-même et votre confiance en vous dégringolent…
Je constate, auprès des personnes qui me consultent, une obsession pour ces chiffres, voire pour ce rituel quotidien de devoir monter sur la balance. Souvent, ces valeurs ne sont pas analysées correctement.« Mais si la balance me dit que je fais 75 kg, c’est que c’est vrai ! Et en calculant mon IMC, je suis en surpoids…» Dans cet article, j’explique pourquoi vous devriez prendre du recul avec votre balance et l’IMC.
La balance
La balance, ou le pèse-personne, affiche le poids brut : votre corps tout entier sans distinction de ce qui le compose. Or, quand une personne se pèse, elle a tendance à considérer le chiffre affiché comme la graisse de son corps. Pourtant, ce qui est important pour estimer le poids d’un individu, c’est la répartition entre la masse maigre (musculaire) et la masse grasse (adipeuse ou graisse).
- Masse maigre : socle du métabolisme de base (dépense énergétique au repos permette d’assurer les fonctions vitales du corps) elle consomme beaucoup d’énergie ;
- Masse grasse : graisse essentielle (régulation de la température corporelle, absorption des vitamines, production des hormones…), graisse blanche (régulation de la glycémie et de la faim, via la production d’insuline et de leptine), graisse sous-cutanée (90% de la graisse corporelle) et la graisse viscérale (dans l’abdomen).
De plus, la balance ne prend pas en compte : les os, les organes, la peau, la rétention d’eau, le cycle menstruel, la matière fécale, les ballonnements, la génétique… Sachez également que la graisse pèse moins lourd que les muscles sur la balance, mais elle prend plus de place dans le corps !
L’impédancemètre permet de calculer, grâce à un courant électrique indolore traversant le corps et les différents tissus, la composition corporelle. Les muscles, étant composés majoritairement d’eau, laisseront passer ce courant plus rapidement que la masse grasse. Cet outil est intéressant pour estimer l’évolution musculaire chez un individu.
Cependant, concernant les personnes en surpoids ou obèses, leur masse musculaire est souvent développée. Cela s’explique par le fait qu’elles doivent supporter cet excédent pondéral à même leur corps. Contrairement à une personne soulevant des poids à la salle de sport, les personnes en surpoids supporte ce poids quotidiennement. Cela constitue une charge importante pour leur corps qui, à force des déplacements quotidiens, se muscle pour soulager les articulations.
D’autre part, se peser peut engendrer ds conséquences :
- Altération de l’estime de soi ;
- Source d’angoisse, de stress ;
- Propice au déclenchement de la dysmorphophobie ou l’hyper-contrôle pondérale ;
- Obsession de l’image corporelle ;
- Facteur favorisant l’apparition des troubles des conduites alimentaires (TCA).
l'indice de masse corporelle (IMC)
L’indice de masse corporelle (IMC) permet d’évaluer la corpulence d’une personne en fonction de son poids et de sa taille. Selon l’OMS, il est censé définir si une personne est : en état de maigreur (< 18,5 kg/m2), de surpoids (> 25 kg/m2), d’obésité (> 30 kg/m2) ou si elle a un poids « normal » (entre 18,5 et 25 kg/m2) pour sa taille.
À l’origine, l’IMC se nommait l’indice de Quetelet, inventé par un mathématicien belge, Adolphe Quetelet, pour recueillir des données statistiques sur une population. Donc sûrement pas un outil de diagnostic médical. L’indice se basait uniquement sur un échantillon restreint : des Français et des Écossais. Alors que l’IMC est aujourd’hui un indicateur mondial toute population confondue.
C’est en 1997 que l’OMS a défini cet outil comme la norme pour évaluer les risques de surpoids chez l’adulte. Aux États-Unis, les compagnies d’assurance maladie l’utilisent pour prévoir des risques d’accidents cardiovasculaires chez les assurés. Dans l’industrie de la mode, depuis 2015 en France, tout mannequin ayant un IMC inférieur à 18 kg/m2 se verra interdire l’accès à cette profession.
Pourtant, la composition corporelle varie pour chaque individu selon : le poids des os, de la graisse et des muscles… L’IMC ne prend pas en compte : l’âge, le sexe, la répartition des graisses (un indicateur de risques pour la santé : maladies cardiovasculaires ou diabète). Alors que nous savons que, physiologiquement, une femme a naturellement plus de graisse qu’un homme, ils ne peuvent donc pas avoir le même IMC…
D’autre part, une personne peut avoir un IMC normal, ou en légère maigreur, mais avoir une masse graisseuse importante et non visible. A contrario, une personne peut être en surpoids ou en obésité, mais présenter une dénutrition non visible également.
les sportifs
Si dans le milieu sportif, la balance reste encore un outil crucial dans certains domaines (sports à catégorie de poids, apparence physique..). Les chiffres obtenus démontrent bien l’aberration du poids sur la balance et du calcul de l’IMC. Voici quelques exemples :
- Les bodybuilders ont une masse musculaire lourde. Leur IMC les classe en surpoids, voire en obésité, pourtant dépourvus d’excès de graisse…
- Un sportif qui arrête de s’entraîner pendant plusieurs semaines verra sa masse musculaire fondre et se transformer en graisse, sans faire varier l’IMC.
- Les marathoniens ont une masse musculaire légère. Leur IMC les classe en maigreur, voire en dénutrition.
Pour conclure, on constate qu’un kilo de muscles ne correspond pas à un kilo de gras. Selon les pratiques sportives, le physiques et la composition corporelle s’adaptent en fonction de l’effort et des règles hygiéno-diététiques. Pour conserver une bonne santé, il faut néanmoins veiller à maintenir un bon ratio entre la masse grasse et musculaire.
Les troubles du comportement alimentaire
Dans le diagnostic des troubles des conduites alimentaires, mais aussi de la guérison, nombreux sont encore les médecins à utiliser l’indicateur de l’IMC comme élément principal.
- L’objectif d’atteindre un seuil pondéral « normal », ou minimal, peut parfois être culpabilisant et angoissant pour certain(e) patient(e).
- Cela peut favoriser l’obsession du poids, intensifier la dysmorphie et le rejet de l’image corporelle ;
- Le personnes souffrant de TCA, qui ont un IMC dans la norme, peuvent avoir l’impression de ne pas être « réellement malade ».
- Pendant la guérison de l’anorexie, certain(e)s conservent un poids inférieur à l’IMC attendu, notamment dans les cas chroniques sévères.
- Atteindre un IMC n’est pas synonyme de guérison ni de bonne santé.
Le poids est la conséquence d’une cause née de blessures profondes ou d’une succession d’éléments déclencheurs qui ont influencé les comportements alimentaires. Les TCA ne se résument aucunement à un physique ni à un poids. Il s’agit d’une maladie mentale.
Une contradiction émerge de la prise en charge des TCA : le rapport au poids.
- Le corps médical surveille de près l’évolution pondérale, dans le but d’atteindre un IMC pour apprécier la guérison. Des contrat de poids sont émis en accord avec la/le patient(e) dans certains établissement.
- En contrepartie, on demande à ces même patient(e)s de se détacher de la balance et de leur poids… Or, certain(e)s peuvent/pouvaient se peser plusieurs fois par jour.
- L’incohérence existe dans le fait qu’on demande à ces personnes souffrant de TCA, de se détacher du contrôle et du poids alors que des attentes autour du poids. Ne serait-ce pas un contrôle du poids inversé et sous-entendu ?
- Cependant, nombreux médecins généralistes ne pèsent pas systématique leurs patients à chaque visite. Or, les données de la courbe de croissance peuvent permettre d’anticiper l’apparition précoce de TCA chez l’enfant et la prise en charge médicale. Mais bien souvent, les pesées sont faites sporadiquement, voire plus du tout faites durant l’adolescence.
Heureusement, tous les professionnels médicaux n’exercent pas ainsi. Ils savent que ce ne sont pas des indicateurs de bonne santé et fiables de la santé mentale de leurs patients. Car une maladie mentale ne se soigne pas « juste en mangeant » et en équilibrant le poids…